Qu’est-ce que le marketing conscient? (Et pourquoi c’est important)
Rédigé par Anne-Marie Brouillette
Prenons un moment ensemble—quelle est la dernière fois que vous avez choisi une marque non pas seulement pour ses produits, mais parce qu'elle représentait quelque chose qui vous tient à cœur ou dont vous aviez réellement besoin ?
Alors que la sensibilisation écologique et la responsabilité sociale deviennent la nouvelle norme—sous l'influence des réglementations, des attentes des employés, des attentes publiques, du manque de ressources et des changements climatiques —beaucoup d'entre nous se sentent partagés : excités par les possibilités, mais freinés par la peur du changement ou de remettre en question le statu quo, le tout saupoudré ✨ d'une touche d'éco-anxiété.
Ce tiraillement fait partie de quelque chose de plus grand : une transition de la consommation à la citoyenneté. Tandis que les consommateur·rice·s priorisent la commodité et le prix, les citoyen·ne·s reconnaissent leur rôle au sein des communautés et des écosystèmes, privilégiant la responsabilité et la participation significative à une hyperconsommation.
Il ne s'agit pas simplement d'acheter, acheter et acheter, mais de choisir en fonction de besoins réels.
Alors, prenez 5 minutes avec moi, et explorons pourquoi le marketing conscient est important—et comment il redéfinit la manière dont les entreprises envisagent le succès.
Quelle est la différence entre le marketing conscient et le marketing traditionnel?
Le marketing traditionnel—souvent appelé « business-as-usual » (BAU)—se base sur des retours à court terme. Il encourage la consommation jetable, crée des besoins artificiels et minimise souvent les conséquences sociales ou environnementales. Il manipule le sens de l'identité et la perception de soi, influençant les générations. C'est une réponse directe à la pression de profits à court terme dans une économie capitaliste de croissance « illimitée ».
Le marketing conscient est l'exact opposé.
Ici, je choisis délibérément de ne pas utiliser le terme « durable (sustainable) ». J’emploie plutôt le marketing « conscient » : il met au cœur des décisions la prise en compte des impacts réels, la transparence quant aux compromis et la conception dans les limites planétaires, afin de créer de la valeur à long terme pour les personnes, les communautés, la faune et la flore. Il ne s’agit pas de perfection, mais bien de choix responsables et de progrès mesurables.
Si vous ne connaissez pas encore le cadre des limites planétaires, voici un lien à explorer et en apprendre davantage sur ce cadre scientifique essentiel.
Pour faire simple, le marketing conscient répond aux besoins d’aujourd’hui sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Ce n’est pas juste une réponse moderne au « marketing classique »—c’est un cadre progressif qui place les personnes, la planète et les profits au même niveau de priorité.
Ici, le marketing redéfinit les classiques 4 P—produit, prix, place et promotion—pour prendre des décisions qui soient socialement bénéfiques, écologiquement responsables et économiquement viables.
Imaginez un marketing doté d’une conscience — des personnes ayant évolué depuis des pratiques extractives, ou les nouvelles générations élaborant des stratégies axées sur les individus.
Au fond, il s’inscrit dans une transition vers une économie du bien-être — longue, non linéaire. Je sais que cela prendra du temps; pourtant, dès maintenant, le marketing conscient peut guider des choix transparents, mesurables et conçus dans les limites sociales et planétaires.
Alors, pourquoi continuer à juger la richesse d’un pays au seul PIB, quand la vraie réussite se lit dans la santé des personnes, la résilience des communautés et la vitalité des écosystèmes?
Dans cette optique, le « Doughnut » de l’économiste Kate Raworth propose un cadre pratique : un espace sûr et juste où les besoins humains sont comblés sans dépasser les limites écologiques.
Le 24 septembre 2025, il a été officiellement annoncé que la limite de l’acidification des océans avait été franchie, marquant la septième des neuf limites planétaires dépassées. Nous approchons de la zone à haut risque de dommages irréversibles et irremplaçables ; il est essentiel d’adopter dès maintenant un cadre future‑fit.
L'accent passe de l'extraction à la régénération, de l'exploitation à l'épanouissement.
Cet engagement repose sur quatre aspects clés :
Empreinte Mentale Positive
Le marketing conscient favorise des récits qui responsabilisent les citoyens et promeuvent l'authenticité. On arrête les messages marketing qui commodifient l'insécurité pour créer des besoins— À la place, on vise à élever l'estime, la santé et la sensibilisation, créant des impacts sociétaux positifs.
Réduction de l'empreinte
Le respect des limites planétaires est essentiel. Le marketing conscient veille, grâce à la co-création avec les parties prenantes, à ce que les produits et services réduisent au minimum les impacts négatifs tout en innovant, lorsque possible, en faveur de la régénération. Cela implique de suivre, de rendre publics et de réduire les impacts sur l’ensemble du cycle de vie — des émissions liées au numérique (hébergement, données, diffusion publicitaire) aux empreintes physiques (matériaux, emballages, logistique, commerce de détail, événements), y compris l’utilisation et la fin de vie.
Transparence Radicale
Il s'agit d'éviter toutes formes de « washing »—qu'il soit vert, social, rose ou bleu—en prônant la transparence et en bâtissant la confiance. Cela signifie suivre, tracer, vérifier et valider pour communiquer des revendications vraies et informées, tout en étant honnête sur votre position actuelle et votre direction.
Guider et co-créer
Le paradigme « guider et co-créer », pensé par Dr. Victoria Hurth, renverse le script sur le marketing traditionnel. Plutôt que de pousser les produits ou de réagir simplement à la demande, les marketeurs deviennent des guides—dirigeant par le but—et des collaborateur·rice·s, travaillant main dans la main avec les citoyen·ne·s et les parties prenantes.
Conceptual framework adapté de Victoria Hurth, ‘Characterising marketing paradigms for sustainable marketing management, 2017.
Le marketing d'aujourd'hui exige humilité et cœur—reconnaissant que les marketeurs façonnent les cultures et structures sociales, pas seulement les ventes.
En commençant là où sont les gens et en co-créant des solutions future-fit, les marques dépassent les tactiques de vendre à tout prix. La durabilité devient un fil naturel tissé dans la conception des produits, communications et opérations—elle n’est pas forcé. Cela exige un leadership créatif, une culture collaborative et sécurisante, et des partenariats audacieux pour entraîner les changements systémiques nécessaires pour une économie prospère du 21e siècle.
Dans cette nouvelle approche, le·la Chief Marketing Officer (CMO) évolue de gestionnaire de campagnes à leader axé·e sur un but qui défend la durabilité. Les CMO travaillent maintenant à travers les équipes—produit, marque, opérations, affaires et durabilité—pour intégrer la durabilité dans chaque aspect de la stratégie, des opérations et de la narration de marque. Leur rôle est essentiel pour transformer le marketing en moteur de valeur à long terme pour l'entreprise et le monde au sens large, plutôt qu'un simple outil pour des profits à court terme.
Et le meilleur ? Ce n’est pas juste une question de "bon karma" : cela contribue directement aux bonnes affaires.
La co-création stimule l’innovation, renforce des relations authentiques, motive les employé·e·s et garantit un succès à long terme dans un monde en perpétuel changement, où la résilience des entreprises est essentielle.
Surmonter les perceptions citoyennes sur les compromis
Une recherche de Harvard Business Review montre qu'un des obstacles au marketing conscient est la fausse idée que les produits écoresponsables nécessitent des compromis : des performances moindres, moins de fonctionnalités ou des prix plus élevés.
Les citoyen·ne·s résistent souvent à la durabilité s'ils·elles la perçoivent comme peu pratique ou inefficace. Ils·elles cherchent de plus en plus des produits qui répondent à leurs besoins quotidiens pratiques. Qu'il s'agisse de nourriture, de vêtements ou de technologie, les consommateur·rice·s évaluent trois facteurs clés—la performance, le prix et la commodité—tout en attendant des marques qu'elles s'alignent sur leurs valeurs. Par conséquent, la durabilité ne doit pas être un attribut indépendant, mais doit être un fil invisible intégré de manière transparente à travers les produits et pratiques.
Les marques ingénieuses défient activement cette attente en démontrant que les produits durables peuvent être :
Plus efficaces : Des appareils économes en énergie qui surpassent les anciens modèles.
Plus durables : Des appareils électroniques réparables qui réduisent les coûts de cycle de vie.
Universellement accessibles : Des structures de prix accessibles ou des emballages optimisés, pour rendre la durabilité abordable pour tous les marchés.
Les produits durables et performants sont l'avenir—pas parce qu'ils sont étiquetés « durables », mais parce qu'ils fonctionnent mieux, durent plus longtemps, sont moins toxiques et génèrent moins de déchets—cela répond à mes besoins pour être en santé et prospérer.
C'est seulement une fois qu'un produit tient sa promesse essentielle—comme une forte performance de nettoyage, la durabilité ou le rapport qualité-prix—que son histoire de durabilité a un vrai poids. Ne me dites pas simplement que vous utilisez un emballage "écologique"; éduquez-moi—expliquez-moi qu'il garde les aliments frais plus longtemps.
Est-ce ainsi qu’on rend la croissance résiliente ?
Le marketing conscient ne fait pas que soutenir la prospérité de la planète—il crée de puissantes opportunités pour les entreprises de prospérer—il reflète la direction de notre économie et de notre société.
Paul Polman, dans son livre Net Positive, souligne que les entreprises prospèrent lorsqu'elles prennent la responsabilité de relever les défis mondiaux comme le changement climatique et les inégalités, plutôt que d'y contribuer.
Pour Polman, intégrer la durabilité à ce niveau n'est pas seulement un choix moral, mais une nécessité stratégique pour la résilience et le succès à long terme.
Plus tôt les entreprises commencent, plus leurs relations citoyennes seront solides et plus elles seront résilientes face à la disruption.
Pour réussir, les responsables marketing doivent avoir une place à la table de la gouvernance. Les CMO agissent comme des champions — aux côtés du produit, du business et de la marque — en reliant l’innovation, la stratégie et la culture à l’échelle de l’entreprise. L’ESG n’est pas une side-quest ; c’est au cœur des affaires.
Eh oui, ça fonctionne déjà, depuis longtemps 🫨
Interface
Depuis les années 1990, Interface, entreprise de revêtements de sol, a repensé son modèle en introduisant des approches circulaires, notamment la reprise et le recyclage de ses produits en fin de vie, pour en faciliter l’accès et l’usage tout en fermant la boucle. Elle propose également des formules de location de revêtements de sol comme alternative à l’achat.
Depuis 1996, l’entreprise publie des rapports transparents détaillant ses progrès et une réduction significative de l’empreinte carbone de ses produits. Interface met en avant cette trajectoire à travers des communications axées sur la durabilité, notamment sa mission « Climate Take Back » lancée en 2016.
Lego
Toujours à la pointe, le fabricant de jouets communique activement ses efforts vers la circularité et le remplacement du plastique traditionnel par des matériaux biobasés. Grâce à son programme éducatif "Construire pour le futur", Lego sensibilise les enfants aux défis mondiaux tout en les encourageant à proposer des solutions créatives. Le rapport d'impact annuel de l'entreprise reflète également une approche marketing transparente et éducative.
Kotn (Canada)
La marque canadienne de vêtements éthiques utilise la traçabilité et la transparence comme piliers de sa stratégie marketing. Kotn met en avant son impact social, comme le financement d'écoles dans les communautés de coton en Égypte (où ses matériaux sont produits), partageant ces histoires avec un narratif authentique.
Ces marques—peu importe leur taille—sont des exemples parfaits de comment un marketing conscient peut être au cœur de leur transition vers la durabilité. Le marketing, véritable reflet de leurs engagements, assure que chaque initiative pratique ce qu'elle prêche. Il demeure un moteur central de succès dans leur parcours.
Chaque stratégie, produit ou innovation dans ces entreprises repose sur une question fondamentale :
"Est-ce que cela aligne notre succès sur celui des citoyens et de notre planète?"
Et si vous vous posiez la même question? Qu'est-ce que cela pourrait inspirer en vous et vos collègues?
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Sources
Hartmann, M., & Mohr, D. (2024). How to Market Sustainable Products. Harvard Business Review.
Cambridge Institute for Sustainability Leadership (CISL). (2025). Sustainable Marketing, communication and brand management.
Raworth, K. (2017). Doughnut Economics: Seven Ways to Think Like a 21st-Century Economist.
Victoria Hurth.(2017). Characterising marketing paradigms for sustainable marketing management.
Polman, P., & Winston, A. (2021). Net Positive: How Courageous Companies Thrive by Giving More Than They Take. Harvard Business Review Press.
New Citizenship Project (2016). CitizenShift Report: A Guide to Understanding and Embracing the Emerging Era of Citizen Power.
https://www.interface.com/content/dam/interfaceinc/interface/sustainability/global/climate-take-back/ctb-primer-presentations/ctb-primer-presentation/pdf/Interface%20CTB%20Primer.pdf
https://www.interface.com/CA/en-CA/sustainability/sustainability-overview.html
https://www.lego.com/en-ca/sustainability/our-commitments